En croquant dans ma tartine toastée et beurrée ce matin (comme
tous les matins), je me remémore la conversation que j'ai eue la nuit dernière
avec petit chat avant que nous nous laissions transporter dans les bras de Morphée.
Il m'avait scandé un "Tu choisis" à ma question "Où
partons-nous en vacances cette année?"
Le choix est vaste, restons-nous en Europe
(ma destination de prédilection), partons-nous pour une île ensoleillée pour se
prélasser sur un transat au sein d'un hôtel cinq étoiles, ou plutôt à la
découverte de l'Asie (une destination qui semble être une vraie aventure en ce
qui me concerne, moi qui déteste la pollution massive qui règne dans beaucoup
de ces pays), ou pourquoi pas l'Amérique latine (les Etats-Unis sont
malheureusement relayés en dernier sur ma Travel
List et au risque de m'attirer la foudre, c'est une destination qui ne
m'attire absolument pas, bizarrement New York, Hollywood, Las Vegas sont loin
de m'enchanter).
Toutes ces questions m'ont amenées à me
poser la question du:
Que recherches-tu réellement dans le voyage? Qu'attends-tu
d'un voyage?
Forcément, la question de ma relation avec le sens du voyage n'en
est plus qu'évidente.
Vivant en Europe depuis quelques années
maintenant, j'ai pris goût à découvrir ce vieux continent, si riche en Histoire
et tellement de jolis endroits à découvrir, rien qu’en France qui à mon sens
est un des plus beaux pays au monde pour le peu que j’ai pu voir.
Or, depuis quelques temps, lorsqu'il est question de choisir une
prochaine destination, je stagne, un peu lassée des mêmes images que prennent
mes camarades lors de leurs voyages. J'ai l'impression qu'ils font tous la même
chose et je me dis "sans même avoir été dans ces lieux, il semblerait que
je commence à connaître les lieux qu’ils visitent par cœur » - fait auquel je donne l'explication suivante:
nous sommes tous programmés comme des automates à suivre les recommandations
des autres.
Oui nous connaissons bien le "quand tu vas à Paris, tu peux
faire ceci et cela", ou encore, nous avons une fâcheuse tendance à suivre
les recommandations des guides touristiques. Mais sommes-nous conscients
ce que traduisent en réalité l'usage de ces guides? La réponse s'impose à moi: il sous-entend que quelqu'un d'autre a vécu l'aventure
avant moi et me propose des conseils afin que je puisse vivre la même aventure
que lui. Dans ce cas est-ce vraiment une aventure pour moi puisqu’elle n’est
plus vraiment mienne ?
Ne suis-je pas au final qu'un simple
touriste (que je distingue du vrai voyageur, du vrai baroudeur -celui qui part
avec peu d'argent, avec pour seul compagnon son sac-à-dos et ses chaussures de
randonnée et qui part pour longtemps se mêler aux peuples jamais rencontrés
auparavant)?
Le touriste lui, se contente de s'acheter
un billet, voire plusieurs billets après avoir travaillé comme un forçat durant
toute une année, s'être privé de bien de choses au quotidien et après y avoir
mis toutes ses économies.
Il a déjà réfléchi au périple qu'il va
entreprendre.
Il s'informe au préalable auprès de ses
proches, de ses amis qui ont déjà tenté l'expérience avant lui afin de récolter
ça et là quelques bribes de conseils, de choses à faire, à ne pas faire, de
sites à explorer, d'idées shopping, et cetera, et cetera...
Après avoir pris l'avion, il se dirige directement vers son hôtel
qu'il aura réservé auparavant - s'assurant d'avoir choisi un bel hôtel, pas
trop couteux quand même, convaincu d'avoir fait une bonne affaire. Puis,
une fois s'être "acclimaté" pendant quelques heures avec le lieu et
ses environs, voilà que commence pour lui « l'aventure ».
Il consulte un nombre incalculable de fascicules qui lui suggèrent
d'aller voir tel ou tel musée, tel marché, tel site historique, de se sustenter
à tel ou tel restaurant, pourquoi pas le « city sightseeing ». Il
suivra ce rythme effréné tout au long de ses vacances, puis au bout de quelques
jours (généralement pas plus d'une semaine), il rentrera chez lui, content de
ces quelques jours qu'il s'est octroyé au terme de bien de sacrifices, fier de
pouvoir enfin partager les deux mille photos en réserve sur son appareil photo,
reliques de ces moments qui "resteront à jamais gravés dans sa
mémoire", parole d'un homme heureux.
CONFIDENCE: j’ai toujours été cet être
là!!
Et oui, hormis les deux expatriations que
j'ai pu vivre et la troisième que je vis en ce moment même mais qui s’en doute
n’en sera plus une, j'ai en réalité toujours voyagé en touriste. Cette
constatation a fait résonner en moi le glas, comme une vive sonnette d'alarme,
un appel au changement, car non non non, je ne veux pour rien au monde être un
automate, un programmé, je ne veux plus faire le touriste.
Je ne veux pas voir les gondoles à Venise,
poser devant la garde suisse du Vatican, devant la tour de Pise, La Tour Eiffel
ou la statue de la Liberté. Je ne veux pas seulement voir, être un simple
spectateur.
En effet, suffit-il de "voir"
seulement pour voyager? Suffit-il d'être à un endroit précis pour
voyager? Puis-je dire que j'ai été dans un tel ou tel pays rien que pour y
avoir mis les pieds et passé quelques heures?
Se la couler douce sur une plage au sable doré appréciant le luxe
d'un hôtel? Est-cela ma définition du voyage?
NON, mais je la cherche toujours ma conception du voyage, elle
s'enfuit à chaque fois que je m'approche d'elle. Elle ne veut pas se
dévoiler à moi, elle se trouve des excuses, elle me susurre à l'oreille des
"Tu as toute la vie devant toi", "Tu n'auras pas assez
d'argent", "Tu as désormais une famille, bientôt un bébé, pour toi,
l'aventure c'est fini ou du moins pas pour tout-de-suite", "C'est
dangereux", "C'est osé". Bref, tout pour me faire reculer.
Toutes ces directives, questions, tous ces
moments d'incertitudes sont en réalité très proches d'un ultime questionnement:
Quel sens est-ce que je veux donner à ma vie?
Une chose est sure, ou plutôt un semblant
de réponse à cette question semble s'être dessiné dans ma petite tête: Je veux
me trouver ou me retrouver. Je veux être!
Je veux que mes convictions soient
ébranlées, je veux prendre des risques- non pas à la manière des personnes qui
mettent leurs vies en danger de manière irréfléchie parce qu'en réalité ils
s'ennuient - mais par là j'entends le risque où j'aurai peur de prendre telle
décision car ce ne serait pas une situation à laquelle j'aurai déjà été
confrontée.
Je veux rencontrer des personnes, aller
dans des familles, voir et comprendre comment ils vivent au quotidien. Je
veux marcher, marcher de longues heures. Je veux être dans la nature,
voir des phénomènes naturels pas des sites touristiques. Je veux sentir
la buée des premières heures du matin se coller à ma peau, je veux tendre la
langue et goûter les flocons de neiges, je veux goûter tout simplement puis ne
pas aimer mais néanmoins goûter. Je veux apprendre les us et coutumes et
cela pas d'après le guide du Routard ou le Petit Futé mais au terme de belles
rencontres humaines. Je ne veux
pas fréquenter les grands centres commerciaux à la recherche de bonnes
affaires, souvent inutiles, ou autres souvenirs à ramener qui finiront sur mon
bureau à accumuler la poussière au fil des années.
Je veux me payer sur place des souvenirs que l’on ne ramène que
dans son cœur. Je ne veux pas être
attablée dans un restaurant fort luxueux pour apprécier les mets traditionnels
qui passés sous l'appellation gastronomiques ne s'accrochent pas longtemps à
mon estomac. Je veux m'arrêter sur le parvis d'une place grouillante de
passants à me délecter d'une glace et rire à pleine gorge d'anecdotes futiles
mais au final pas si futiles que cela.
Tout cela semble poétique n'est-ce pas? Mais c'est justement
ce que je veux - ajouter de la poésie à ma vie, pas de l'automatisme. Je
ne suis pas un logiciel qui doit s'appliquer dans telle ou telle situation.
Je ne recherche pas d'exotisme, bien que je n’aie rien à lui reprocher
mais je n’entends pas là ce que nous occidentaux recherchons lorsque nous
allons à l'étranger. L'exotisme, erronément traduit par luxe hôtelier, spa,
orchidée et encens.
Je suis faite de chair et d'os,
d'émotions, de besoins. Et le plus grand d'entre eux est certainement le
besoin de VIVRE, sans faux-semblant, voir le monde avec des yeux d'enfant, cet
enfant qui arrive à éprouver une joie profonde, sincère, authentique rien
qu'avec un morceau de bois. EXALTATION.
Le voyage est l'occasion pour moi de
découvrir ma propre étrangeté, de me dépouiller de moi-même afin de mieux me
connaître. Le voyage c'est aussi aller à
la quête du sens caché de la vie comme l'homme nomade. C'est tourner mon esprit
vers des vérités intelligibles, celles que l'on ne nous conte pas dans le
Routard qui satisferont indéniablement mon goût du luxe mais pas ma considération
pour la nature humaine.
Le voyage c'est faire l'expérience de soi mais aussi l'expérience
des autres. Par conséquent, faire l'expérience de l'hospitalité qui ne
pourra jamais être authentique et désintéressée si je me contente du sourire du
maître d'hôtel et de la réceptionniste. Voyager
c'est aussi faire l'acquisition d'un savoir, pas forcément intellectuel.
Nous voyageons trop souvent comme des ignorants, ignorant même les us et
coutumes des autochtones, ignorant par conséquent la relativité des mœurs.
Ce qui fait que nous voyons ce nouveau monde sans un regard neuf mais
apportons avec nous tous les préjugés entassés et rouillés.
Le voyage c'est aussi l'apprentissage d'une nouvelle langue.
Mon rapport à la langue change obligatoirement car je deviens comme cet
enfant qui bègue, qui hésite, qui doute, qui trébuche mais qui y arrive
néanmoins. Je fais ainsi l'expérience d'un début. Nous n'avons pas
assez de débuts au sein de notre existence mais trop de continuités, trop de
suites, nous voulons trop suivre, suivre les autres, suivre une ligne droite
qui limite nos chances d'être heureux.
Je ne veux plus courir parce que j'aurai
cette épée de Damoclès qui me suspendrait au dessus de la tête à cause de
l'éventuelle échéance d'un trop court séjour souvent trop onéreux pour mon
compte bancaire.
Pour partir sans rien, il faut peu en
effet matériellement mais il faut beaucoup de courage, de détermination mais il
faut avant tout OSER. Ce premier pas, personne ne le fera à ma place.
Mais ce premier pas est à l'origine de ce nœud que j'ai à l'estomac,
c'est le vertige avant le possible.
Nicolas BOUVIER, un des plus grands
aventuriers qu'a connu notre siècle, disait dans son livre "L'usage du
monde" la chose suivante:
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il
se suffit à lui même. On croit qu'on va faire un voyage mais bientôt c'est le
voyage qui vous fait ou vous défait.
Mon questionnement doit surgir de là certainement, du fait que je
ne veux pas de motif, je ne cherche rien en particulier, je ne veux avoir
d'attentes, je veux juste faire l'expérience de l'existence, de mon existence,
une fois confrontée à celles des autres. Ça doit être un peu cela la
définition (s'il y en a une) du voyage, la transformation qui s'opère en moi
lorsque je suis ailleurs ne fait en réalité que me faire découvrir le vrai MOI.
Je pars dans l'espoir d'être changée, de voir du nouveau mais c'est pour
mieux revenir à soi.
De ce fait, ai-je besoin d'aller aussi loin géographiquement
parlant, pour voyager ?
J’éprouve une vive admiration pour ces personnes qui, au détour de
la prochaine ruelle sont capables de voyager. Ainsi, chaque bâtiment, chaque faciès est
décortiqué pour la fabrication d’un nouveau souvenir, un nouveau sentiment jaillit.
Le voyage c'est aussi l'imagination mise en mouvement, dans
"Voyage au bout de la nuit", Céline disait:
Il suffit de fermer les yeux.
Je me prends à nouveau une claque car jusqu'à présent, comme le
commun des mortels, j'avais ce besoin constant de prendre l'avion (que je
déteste en fait) pour VOYAGER. Etre dans un bus, un train, un avion,
quelque soit le moyen de locomotion, ce n'est pas vraiment habiter un espace,
je me transporte d'un endroit à un autre sans y être vraiment. Or,
j'éprouve désormais (les années et les rides s'accumulant sans doute) le besoin
de m'arrêter là où les autres se laissent transporter.
Ainsi, au moment où petit chat me dit "Soyons comme
avant", je sentis comme un poids qui se déchargeait de mon épaule, car en
effet le voyage ne devrait pas être une contrainte. Ni dans sa
préparation, ni dans son vécu, ni pour l'imagination.
Il doit tout simplement ETRE.
Son "Soyons comme avant", pour notre couple se
traduisait par un "Soyons comme les enfants que nous avions été au début
de notre relation", simples, frivoles, se laissant porter par une seule
chose: l'AMOUR, les fous rires homériques, les chamallows engloutis au coin du
feu tous deux emmitonnés dans une couverture alors que dehors il ne cessait de
neiger. La neige, la compagne de nos premiers jours ensemble, je veux la
retrouver. Nous étions en effet alors des enfants, dans nos cœurs et
pourtant, nous n'avions jamais été aussi heureux qu'à ces instants, loin du
monde mais pourtant à la fois si proches de lui.
Nous le sommes toujours, je veux dire- HEUREUX. Mais nous
avions connu en même temps, un autre état: celui où nous n'habitions pas encore
ensemble, dans un endroit précis, dans notre maison. Nous n'avions à
l'époque aucun autre projet, tous ces projets, trop de projets. Nous
n'avions pas besoin de conditions pour être heureux, pas d'attente l'un envers
l'autre, pas de conventions, de cadre stricte dans lequel devait se manifester
nos sentiments.
Le seul projet que nous avions, était d'être HEUREUX et cela
ENSEMBLE. Maintenant que nous sommes ENSEMBLE, qu'avons-nous fait et que
faisons-nous pour être HEUREUX?
Ne nous éloignons pas trop du monde petit chat, de celui que nous
habitons, ne nous éloignons pas de nous car la seule chose que je désire c'est
ce monde et NOUS.
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